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se repentait de ce mouvement, il rentre dans le domaine du jeu par ce mot déplorable qu’il cite et qu’il adopte : Totus in antithesi.

Voilà le dernier mot du chapitre. D’après Jonathan Forbes et d’après M. Hugo, Shakspeare est tout entier dans l’antithèse.

Et voilà que nous rentrons, après un détour, dans la fantaisie. Qu’est-ce qu’un poète qui réside tout entier dans l’antithèse ? C’est un caprice qui s’étale en tous sens. Et voilà comment M. Hugo méconnaît la grandeur du Roi Lear.

La critique ouvrirait peut-être des horizons sublimes, si, pour redresser l’égarement d’un homme ou relever son abaissement, au lieu de l’attaquer au dehors, elle en appelait à lui-même. Elle rencontrerait peut-être et ferait vibrer des harmonies profondes, si, pour montrer la déchéance d’un écrivain, elle s’adressait au type de ce même écrivain et lui disait : Tiens toi-même la lumière et montre-nous ce qu’est devenu celui qui t’a abandonné. Tiens le fil, porte le flambeau et conduis-nous dans le labyrinthe où sont marqués les pas de l’homme qui t’a embrassé un moment, pour te quitter le moment d’après.

Shakspeare se devait à lui-même d’être profond ; Victor Hugo d’être large ; l’un et l’autre d’être sérieux. Or le caprice et l’antithèse sont contraires à la profondeur, à la largeur et à la gravité. Le caprice est l’antithèse des pensées, l’antithèse est le caprice des mots. Ces deux jeux ne font qu’un jeu, joué dans