Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LES PRÉJUGÉS



On pourrait dire de l’Esprit moderne ce que Joad dit du peuple hébreu :

« Hardi contre Dieu seul ! »

Cet esprit si fier de sa critique révoltée, qu’il croit libre parce qu’elle est sans loi, ne s’indigne absolument que contre les vérités éternelles. Il ne secoue d’autre joug que le joug libérateur de la Sagesse sans caprice. Mais s’agit-il des préjugés littéraires, des leçons qu’on apprend par cœur à l’âge où l’on ne comprend pas, l’esprit moderne devient plus doux, plus craintif, plus timide, plus soumis que ne le serait un enfant, s’il existait encore des enfants. Il ose tout contre Dieu. Il n’ose rien contre le préjugé, parce que le préjugé c’est lui-même. Il y a entre les erreurs une alliance secrète, un traité offensif et défensif, en vertu duquel chacune d’elles protège les autres pour être à son tour protégée. Vous êtes un libre penseur : ce nom vous autorise à nier ce qui est vrai, mais il ne vous autorise pas à nier ce qui est faux. Contre la vérité tous les droits vous sont donnés ; mais contre l’erreur vous n’en avez aucun. Vos permissions ne s’étendent qu’à tout ce qui est juste et saint. Elles meurent dans le domaine où elles devraient naître, et vous