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devins aveugle ; elle suça de ses lèvres sauvages, elle suça la moelle de mes reins.

Mon corps maintenant est un cadavre où l’esprit est emprisonné. Maintes fois il se sent étouffé, il se démène, il est fou de fureur, il crie, il blasphème !

Impuissantes imprécations ! ta malédiction la plus terrible ne tuera pas une mouche. Supporte ton sort et essaie de pleurnicher tout doucement et de prier.

3

Comme elle rampe lentement, cette limace horrible appelée le temps ! moi cependant, je reste là immobile à la même place.

Dans ma sombre cellule pas un rayon de soleil, pas une lueur d’espérance ; je le sais, c’est seulement pour la fosse du cimetière que je quitterai cette chambre fatale.

Peut-être suis-je mort depuis longtemps. Peut-être ne sont-ce que des spectres, toutes ces fantaisies qui, la nuit, déroulent leur procession bigarrée dans mon cerveau.

Ce pourraient bien être les ombres de toute la clique des dieux païens ; ils choisissent volontiers pour y prendre leurs ébats le crâne d’un poète trépassé.

Et cette douce et folle orgie, cette bacchanale nocturne