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V

SOUCIS BABYLONIENS

La mort m’appelle. — Je voudrais, ô mon enfant bien-aimé, te laisser dans une forêt, dans une de ces forêts de sapins où hurlent les loups, où nichent les vautours, où grogne d’une façon effroyable la truie sauvage, l’épouse du sanglier aux poils blonds.

La mort m’appelle. — Ce serait mieux encore, ô mon enfant bien-aimé, si je te laissais en pleine mer, lors même que le vent du nord fouetterait les vagues, et que des profondeurs de l’abîme tous les monstres qui y dorment, requins et crocodiles, s’élanceraient la gueule béante.

Crois-moi, ô mon enfant bien-aimé — ni la mer courroucée et écumante de rage, ni la sombre et redoutable forêt, ne sont aussi périlleuses que le séjour où nous sommes. Si terribles que soient le loup, et le vautour, et le requin, et tous les monstres de la mer, Paris contient des bêtes plus méchantes et plus furieuses encore, — Paris, la splendide et riante capitale du monde, Paris qui chante et qui danse, le beau Paris, enfer des anges et paradis des diables ! — Penser que je dois te laisser seule ici, ah ! cela me bouleverse le cerveau, cela me rend fou !

Les mouches noires voltigent autour de mon lit avec