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« Toi-même tu deviens vieux et facile maintenant, tu te feras à bien des choses ; même le passé, tu le verras sous un meilleur jour.

« On exagérait quand on parlait du malheureux sort de l’Allemagne ; on pouvait échapper à l’esclavage, comme jadis à Rome par le suicide.

« Le peuple jouissait de la liberté de penser ; cette liberté existait pour les masses, et la répression par la censure ne frappait que le petit nombre de ceux qui faisaient imprimer leurs idées.

« Jamais l’arbitraire ne régna tout à fait, jamais on n’enleva sans jugement la cocarde nationale, même au plus dangereux démagogue.

« Jamais l’Allemagne n’en vint aux extrémités de la misère, malgré toute la rigueur des temps. Crois-moi, jamais personne n’est mort de faim dans une prison allemande.

« Le temps passé avait bien ses mérites et son charme ; on y voyait s’épanouir les douces fleurs de la foi et du dévouement ; maintenant c’est le règne du doute, de la négation.

« La liberté pratique finira par anéantir l’idéal que nous avons dans le cœur. C’est un rêve pur comme celui des lis, et qui se flétrit dans les clameurs démocratiques.