Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— « Je veux, par mes baisers, Henri, enlever la nuit qui te couvre les yeux ; il faut que tu voies les anges et la splendeur des cieux. »

— « Mon amour, je ne puis me lever ; la blessure qu’un mot de toi m’a faite au cœur saigne toujours. »

— « Je pose légèrement ma main sur ton cœur, Henri ; cela ne saignera plus ; ta blessure est guérie. »

— « Mon amour, je ne puis me lever, j’ai aussi une blessure qui saigne à la tête ; je m’y suis logé une balle de plomb lorsque tu m’as été ravie. »

— « Avec les boucles de mes cheveux, Henri, je bouche la blessure de ta tête, et j’arrête le flot de ton sang, et je te rends la tête saine. »

La voix priait d’une façon si charmante et si douce, que je ne pus résister ; je voulus me lever et aller vers la bien-aimée.

Soudain mes blessures se rouvrirent, un flot de sang s’élança avec violence de ma tête et de ma poitrine, et voilà que je suis éveillé.


66

Il s’agit d’enterrer les vieilles et méchantes chansons, les lourds et tristes rêves ; allez me chercher un grand cercueil.

J’y mettrai bien des choses, vous verrez tout à l’heure ; il faut que le cercueil soit encore plus grand que la tonne de Heidelberg.

Allez me chercher aussi une civière de planche solides et épaisses ; il faut qu’elle soit plus longue que le pont de Mayence.

Et amenez-moi aussi douze géants encore plus forts que le saint Christophe du dôme de Cologne sur le Rhin.

Il faut qu’ils transportent le cercueil et le jettent à la mer ; un aussi grand cercueil demande une grande fosse.

Savez-vous pourquoi il faut que ce cercueil soit si grand et