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aimée, et elle se fit faire une robe de noces, et elle entoura de ses tendres bras le plus sot des fiancés.

Ma bien-aimée est si belle et si charmante, sa gracieuse image est encore devant mes yeux ; les violettes de ses yeux, les roses de ses joues et les lis de son front brillent et fleurissent toute l’année. Croire que je pusse m’éloigner d’une telle maîtresse était la plus sotte de mes sottises.


30

Les violettes bleues de ses petits yeux, les roses rouges de ses petites joues, les blancs lis de ses toutes petites mains, cela fleurit, fleurit toujours : et seul son petit cœur est desséché.


31

Le monde est si beau et le ciel si bleu, et les souffles du ciel si doux et si purs ; et sur la pelouse éclatante, les fleurs scintillent sous la claire rosée du matin ; et partout où je tourne mes regards, les hommes sont heureux. — Et pourtant je voudrais être étendu dans la tombe et serrer contre moi ma bien-aimée morte.


32

Ma douce bien-aimée, quand tu seras couchée dans le sombre tombeau, je descendrai à tes côtés et je me serrerai près de toi.

Je t’embrasse, je t’enlace, je te presse avec ardeur, toi muette, toi froide, toi blanche ! Je crie, je frissonne, je tressaille, je meurs.

Minuit sonne, les morts se lèvent, ils dansent en troupes nébuleuses. Quant à nous, nous resterons tous les deux dans la fosse, l’un dans les bras de l’autre.

Au jour du jugement les morts se lèvent, les trompettes les appellent aux joies et aux tortures ; quant à nous, nous ne nous inquiéterons de rien et nous resterons couchés et enlacés.


33

Un sapin isolé se dresse sur une montagne aride du Nord.