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Nous nous sommes beaucoup aimés, et pourtant nous ne nous boudions jamais trop. Enfants, nous avons souvent joué au mari et à la femme, et pourtant alors nous ne nous sommes ni chamaillés ni battus. Plus tard, nous avons ri et plaisanté ensemble, et nous nous sommes donné, comme autrefois, de tendres baisers. Enfin, évoquant les plaisirs de notre enfance, nous avons joué à cache-cache dans les champs et les bois, et nous avons si bien su nous cacher, que nous ne nous retrouverons jamais !


27

Tu m’es restée fidèle longtemps, tu t’es intéressée à moi, tu m’as consolé et assisté dans mes misères et dans mes angoisses.

Tu m’as donné le boire et le manger ; tu m’as prêté de l’argent, fourni du linge et le passeport pour le voyage.

Mais bien-aimée ! que Dieu te préserve encore longtemps du chaud et du froid, et qu’il ne te récompense jamais du bien que tu m’as fait !


28

La terre a été si longtemps avare. Voici mai de retour, elle redevient prodigue, et tout rit et jubile et s’égaie ; mais moi, je n’ai pas la force de sourire.

Les fleurs éclatent, les clochettes tintent, les oiseaux parlent comme dans la fable ; mais leur conversation me déplais ; je trouve tout cela misérable.

La foule des hommes m’ennuie, même l’ami, au demeurant passable. Cela vient de ce qu’on donne du « Madame » à ma douce bien-aimée, tant douce et tant aimable.


29

Et tandis que je m’attardais si longtemps à rêvasser et à extravaguer dans des pays étrangers, le temps parut long à ma bien-