Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une invisible souffrance fait palpiter tes lèvres, une larme cachée ternit l’éclat de tes yeux, une plaie secrète ronge ton sein orgueilleux ; ma chère bien-aimée, nous devons être misérables tous les deux.


20

C’est un chant de flûtes et de violons, mêlé à des éclats de trompettes. La bien-aimée de mon cœur danse la danse nuptiale.

C’est une sonnerie de timbales, un ronflement de chalumeaux, cependant que les bons petits anges ont des sanglots et des soupirs.


21

Tu as donc entièrement oublié que bien longtemps j’ai possédé ton cœur, ton petit cœur, si doux, si faux et si mignon, que rien au monde ne peut être plus mignon et plus faux ?

Tu as donc oublié l’amour et le chagrin qui me serraient à la fois le cœur ?… Je ne sais pas si l’amour était plus grand que le chagrin, je sais qu’ils étaient suffisamment grands tous les deux.


22

Et si les fleurs, les bonnes petites, savaient combien mon cœur est profondément blessé, elles verseraient dans ma plaie le baume de leurs parfums.

Et si les rossignols savaient combien je suis triste et malade, ils feraient entendre un chant joyeux pour me distraire de mes souffrances.

Et si, là-haut, les étoiles d’or savaient ma douleur, elles quitteraient le firmament et viendraient m’apporter des consolations étincelantes.

Aucun d’entre tous, personne ne peut savoir ma peine ; elle seule la connaît, elle qui m’a déchiré le cœur !