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Si je m’appuie sur ton sein, une joie céleste plane au-dessus de moi ; pourtant, si tu dis : Je t’aime ! soudain je pleure amèrement.


5

Ta figure si chère et si belle, récemment je l’ai vue en rêve ; elle est si douce, si semblable à celle des anges, et cependant, si pâle, si pâle de douleur !

Et ce sont seulement tes lèvres qui sont rouges ; mais bientôt la blême mort les baisera, et la clarté du ciel qui sort de tes yeux purs, s’évanouira.


6

Appuie ta joue sur ma joue, afin que nos pleurs se confondent ; presse ton cœur contre mon cœur, pour qu’ils ne brûlent que d’une seule flamme.

Et quand dans cette grande flamme coulera le torrent de nos larmes, et que mon bras t’étreindra avec force, alors je mourrai de bonheur dans un transport d’amour.


7

Je voudrais plonger mon âme dans le calice d’un lis blanc ; le lis blanc doit alors soupirer une chanson pour ma bien-aimée.

La chanson doit trembler et frissonner comme le baiser que m’ont donné autrefois ses lèvres dans une heure mystérieuse et tendre.


8

Là-haut, depuis des milliers d’années, se tiennent immobiles les étoiles, et elles se regardent avec un douloureux amour.

Elles parlent une langue fort riche et fort belle ; pourtant aucun philologue ne saurait comprendre cette langue.

Moi, je l’ai apprise, et je ne l’oublierai jamais ; le visage de ma bien-aimée m’a servi de grammaire.