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préfère aux myrtes les maigres peupliers que le vent du soir secoue violemment ; à la lumière sereine, on préfère la flamme qui vacille.

En vain tu laboureras le Parnasse et feras foisonner les images et les fleurs ; en vain tu te débattras jusqu’à la mort, si tu ne comprends pas qu’il faut caqueter avant d’avoir fait l’œuf.

Tu dois savoir également donner de la corne comme un taureau au combat, écrire des libelles pour attaquer ou te défendre, sonner et résonner à tue-tête de la trompette.

N’écris pas non plus pour les siècles futurs, travaille pour la plèbe ; que le trait à effet soit le levier de ta poésie, — et la galerie bien vite te portera aux nues.


À ELLE

Les fleurs rouges, et les blanches aussi, qui fleurirent un jour de mon cœur saignant et meurtri, j’en ai composé un bouquet superbe pour te le donner, ma belle maîtresse.

Sois accueillante à ce témoignage fidèle ; je ne veux pas quitter ce monde sans te laisser un legs d’amour. Pense à moi lorsque j’aurai trouvé la mort !

Mais ne me plains jamais, ô ma maîtresse : ma douleur même a été digne d’envie, puisque je t’ai aimée et portée dans mon cœur.

Une félicité plus grande encore va bientôt m’échoir : comme un ange gardien, je planerai au-dessus de ta tête et soufflerai dans ton cœur un salut de paix.