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et des orgues, et, parmi elles, comme de doux gémissements d’amour.

Je vois aussi, en train d’escalader le dôme, d’agiles petits nains, assez effrontés pour en briser les fleurs et la fine dentelle.

Mais on peut, tant qu’on veut, effeuiller le chêne et le dépouiller entièrement de sa verte parure, un nouveau printemps vient, qui le vêt de frondaisons neuves.


SONNETS À LA FRESQUE
à Christian Sethe[1]
1

Je ne danse pas avec eux, je ne sacrifie pas aux faux dieux qui sont d’or au dehors et de sable au dedans ; quand un coquin, qui ne cherche en secret qu’à nuire à mon renom, me tend la main, je détourne la mienne.

Je ne m’incline pas devant ces jolies femmes qui font impudemment parade de leur propre infamie ; je m’abstiens de tirer, lorsque la populace s’attelle au char de ses idoles vaines.

Sans doute le chêne doit tomber, tandis que, de par sa souplesse, le roseau brave le vent et la foudre auprès de son ruisseau.

Mais voyons, comment ce roseau finira-t-il ? Quel bonheur de devenir la badine d’un mirliflore ou la houssine d’un valet de chambre !


2

Qu’on me donne un masque ! Je veux me déguiser en vaurien, afin que les gredins qui se pavanent avec des masques de dignité ne me prennent pas pour un des leurs.

Par mes propos et mes gestes vulgaires, je ferai figure de canaille ; je désavoue tous les beaux traits d’esprit dont tant de purs imbéciles tirent aujourd’hui coquetterie.

  1. Ami d’enfance et confident de Heine. (Note des éditeurs).