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Mais les chants, les étoiles et les petites fleurs, la lune étincelante et l’éclatant soleil, tous ces accessoires-là sont encore bien loin de faire un monde.


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LA CONSÉCRATION

Seul dans la chapelle des bois, devant l’image de la céleste Vierge, un pieux et pâle garçon était dévotement prosterné.

« Ô madone ! laisse-moi éternellement ici, agenouillé sur ce seuil ; ne me rejette jamais dans le monde glacé des pécheurs.

« Ô madone ! les boucles rayonnantes de ta tête ondoient au soleil ; un pur sourire se joue doucement sur ta bouche, rose sacrée.

« Ô madone ! tes yeux m’éclairent comme une illumination d’étoiles ; la barque de vie s’égare, les étoiles toujours la dirigent sûrement.

« Ô madone ! sans défaillir, j’ai porté le fardeau de ta douleur, aveuglément confiant dans le pieux amour, enflammé de tes seules ardeurs.

« Ô madone ! entends-moi aujourd’hui, pleine de grâce, fertile en miracle, accorde-moi un témoignage, un tout petit témoignage de ta bonté ! »

Il se produit alors un effrayant miracle : le bois et la chapelle disparaissent tout-à-coup. Le garçon ne savait ce qui était arrivé ; tout s’était brusquement transformé.

Il se trouvait, plein de surprise, dans une salle d’apparat où la madone était assise, mais sans son auréole ; elle s’est muée en une charmante jeune fille, et salue et sourit avec une joie d’enfant.

Et voyez : de ses blonds cheveux, elle coupe elle-même une boucle et elle dit au garçon avec une voix céleste : « Prends, voici le plus beau présent de la terre ! »