Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais cette nuit-là même, Balthazar fut tué par ses courtisans et ses valets.


11
LES MINNESINGER[1]

Les Minnesinger accourent aujourd’hui au tournoi poétique. Ah ! c’est une lutte unique, un unique tournoi.

La fantaisie, effervescente et folle, voilà le cheval du Minnesinger. L’art lui tient lieu de bouclier, et il a pour glaive le verbe.

Du balcon tapissé, de belles dames regardent avec gaîté. Mais la vraie dame n’est pas parmi elles, avec la vraie couronne de lauriers.

Il y a des gens qui sont pleins de santé quand ils s’élancent dans la lice, tandis que nous, minnesinger, nous y descendons déjà mortellement blessés.

Et celui dont, tout sanglant, le lied jaillit plus profondément de son cœur, celui-là est le vainqueur, et, de la bouche la plus belle, il reçoit la plus belle louange.


10
À LA FENÊTRE

Le pâle Henri passait ! la belle Hedwige était à la fenêtre. Elle dit à demi-voix : « Dieu m’assiste ! Celui qui passe là est pâle comme les spectres ! »

Celui qui passait, languissamment, leva les yeux vers la fenêtre d’Hedwige. Quelque chose comme le mal d’amour saisit la belle Hedwige ! elle aussi devint pâle comme les spectres.

La belle Hedwige, avec le mal d’amour, guetta dès lors journellement de sa fenêtre. Mais bientôt elle tomba dans les bras d’Henri, toutes les nuits à l’heure des spectres.

  1. Minnesinger ou Minnesänger (chanteurs d’amour) : trouvères allemands du XIIe et du XIIIe siècles (Note des éditeurs.)