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La pâle fleurette me dit à voix basse : « Cher petit frère, cueille-moi ! » Je dis à la fleurette : « Je ne le ferai pas, je ne te cueillerai jamais ! Je cherche avec beaucoup de peine la fleur purpurine. »

Et la pâle fleurette de dire : « Cherche ici, cherche là, jusqu’au jour de la mort glacée ; c’est en vain que tu chercheras, jamais tu ne rencontreras la fleur purpurine. Cueille-moi donc ; je suis aussi malade que toi. »

Ainsi chuchote, suppliante, la pâle petite fleur. — Alors je frissonne et la cueille bien vite. Et brusquement mon cœur ne saigne plus, les yeux de mon âme s’éclairent : la joie sereine des anges descend dans mon cœur déchiré.


16

Au ciel où scintillent les étoiles, les joies qui nous sont ici-bas, déniées, scintillent certainement aussi : c’est seulement dans les bras glacés de la mort que la vie peut être ranimée, comme c’est de la nuit que s’élance la lumière.




ROMANCES

1
L’AFFLIGÉ

À tout le monde il fait mal à voir, le pâle garçon dont les souffrances et les peines sont écrites sur le visage.

L’air, d’une compatissante haleine, rafraîchit son front fiévreux ; mainte jeune fille, d’ordinaire si dédaigneuse, lui mettrait volontiers, d’un sourire, un peu de baume dans le cœur.

Loin du tumulte affreux des villes, il s’enfuit du côté de la forêt : joyeusement bruissent les feuilles ; joyeux montent les chants d’oiseaux.