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Qui donc vous l’enseigna ce petit mot, oiselets dans les hauteurs du ciel ? Taisez-vous ! Quand mon cœur l’entend, sa souffrance en est accrue.

« C’est une jeune fille qui passait et qui le chantait sans cesse ; voilà comme nous l’avons appris, ce gracieux mot d’or. »

Malins petits oiseaux, ne me redites plus cela ! Vous voulez me dérober mon chagrin, mais je n’ai confiance en personne.


4

Chère bien-aimée, mets ta petite main sur mon cœur : entends-tu le bruit qu’il fait dans sa chambrette ? Il y a là un charpentier implacable, qui me construit un cercueil.

Le jour, la nuit, il martelle et il cloue. Il y a déjà longtemps qu’il m’empêche de dormir. Ah ! faites vite, monsieur le charpentier, pour que je puisse bientôt dormir !


5

Joli berceau de mes souffrances, belle tombe de mon repos, belle cité, il faut nous séparer. Je te fais mes adieux.

Adieu, seuil sacré que franchit ma bien-aimée, adieu, place sacrée où je l’ai vue pour la première fois !

Si pourtant je ne t’avais jamais vue, ô belle reine de mon cœur, je n’aurais jamais été malheureux comme je le suis à présent.

Jamais je n’ai cherché à t’émouvoir, jamais je n’ai mendié ton amour. Je ne voulais que couler des jours paisibles, aux lieux où ton souffle s’exhale.

Mais tu me chasses de ces lieux ; ta bouche dit des mots amers ; la folie ravage mes sens, et mon cœur est malade et blessé.

Et, les membres las et lourds, je me traîne là-bas avec mon bâton de voyage, jusqu’à ce que je pose ma tête brisée, bien loin, dans une froide tombe.