Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Eiapopeia[1] est fini. Je célèbre aujourd’hui mon mariage : regarde ! Voilà les invités tout reluisants.

Regarde ! — Messieurs, cela est galant ! Au lieu de chapeaux, c’est vos têtes que vous avez à la main. Bonnes gens dont les jambes gigotent, parés comme pour la potence, le vent s’est apaisé, pourquoi venir si tard ?

Et voilà aussi, sur son manche à balai, la bonne vieille sorcière : bénis-moi, la petite mère, car je suis ton enfant. Alors ses livres tremblent dans son pâle visage : « In secula seculorum, Amen ! » marmonne la petite mère.

Douze musiciens efflanqués entrent nonchalamment, suivis d’une ménétrière aveugle et débauchée ; puis c’est Jean-Saucisse[2] en casaque multicolore, qui porte sur son dos le fossoyeur.

Douze nonnes font leur entrée en dansant ; la louche entremetteuse mène le branle. Douze moinillons lubriques les suivent, sifflant un air infâme à la manière d’un chant d’église.

Monsieur le fripier, ne crie donc pas à en devenir bleu ; je n’ai pas besoin dans le purgatoire de ta fourrure ; on vous y chauffe gratis d’un bout de l’année à l’autre, avec, au lieu de bois, des ossements de princes et de gueux.

Les bouquetières sont bossues et déjetées, et se livrent à des cabrioles à travers la chambre. Têtes de chouettes et jambes de sauterelles, laissez-moi la paix avec le craquement de vos côtes !

Pour sûr, l’enfer est tout entier dehors. La cohue grandissante vocifère et saute : jusqu’à la valse des damnés qui résonne ; — silence, silence, voici venir ma belle bien-aimée.

Silence, racaille, ou dehors ! C’est à peine si je m’entends moi-même. Ah ! ne voilà-t-il pas un roulement de voiture ? Où es-tu, cuisinière ? Vite, ouvre la porte !

Sois la bienvenue, ma belle bien-aimée, comment vas-tu,

  1. La chanson des nourrices allemandes. (Note des éditeurs)
  2. Hanswurst, le paillasse de la farce allemande. (Note des éditeurs).