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Tout à coup des larmes amères coulèrent des yeux de mon aimée, et sa gracieuse image se noya sous des flots de pleurs.

Ô doux yeux, saintes étoiles d’amours malgré toutes les fois que vous m’avez menti, dans le monde réel ou dans celui des rêves, combien j’aime à vous croire malgré tout !


4

Je vis en rêve un petit homme, un petit homme tout pimpant, qui marchait sur des échasses à pas longs d’une aune ; il portait du linge bien blanc et un habit à la dernière mode, mais il avait l’âme sale et vile.

Au dedans, un être piteux et incapable ; au dehors, un monsieur plein de dignité, parlant à tout venant de courage et prenant des airs d’audace et de bravade.

— « Sais-tu quel est cet homme ? Viens ici et regarde ! » me dit le dieu du songe en me montrant des figures mouvantes dans le cadre d’un miroir.

Au pied d’un autel était le petit homme ; à ses côtés était ma bien-aimée. Tous deux disaient : Oui ! et mille démons, dans un éclat de rire, s’écriaient : Amen !


5

Qu’est-ce qui agite et affole mon sang ? Qu’est-ce qui allume en mon cœur une ardeur sauvage ? Mon sang bouillonne, écume et fermente, une terrible ardeur consume mon cœur.

Mon sang fou fermente et écumer parce que j’ai fait un mauvais rêve. Le sombre fils de la nuit est venu et m’a emporté haletant.

Il m’a emporté dans une belle maison, toute sonore de chants de harpes, de joie et de liesse, toute resplendissante de lumières : je pénètrai dans le salon.

C’était un gai repas de noces ; les convives joyeux étaient assis à table. Et lorsque je vis la mariée, — ô douleur ! la mariée était ma bien-aimée.