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modelés sur le même type grec, mais la naïveté gracieuse de la race celtique y rayonnait.

C’était la fée Habonde, que je reconnus bien vite à la suavité de son sourire et à l’éclat de sa voix, quand elle riait ;

Un frais visage, rose et potelé, comme en peint Greuze, le nez au vent, la bouche en cœur, toujours entr’ouverte, et des dents blanches à ravir.

Elle portait un léger peignoir de soie bleue, que la brise soulevait parfois ; même dans mes meilleurs rêves, je n’ai jamais vu de pareilles épaules !

Peu s’en fallut que je ne sautasse par la fenêtre pour aller les baiser ! Je m’en serais mal trouvé, car je me fusse cassé le cou sur les rochers.

Ah ! elle n’aurait fait que rire, quand je serais tombé tout sanglant à ses pieds. Hélas ! je connais ce rire-là !

Et la troisième femme qui émut si profondément ton cœur, était-ce un démon comme les deux autres figures ?

Si c’était un ange ou un démon, c’est ce que j’ignore. On ne sait jamais au juste chez les femmes où cesse l’ange et où le diable commence.

Son pâle et ardent visage respirait tout le charme de l’Orient, et ses vêtements aussi rappelaient par leur richesse les contes de la sultane Schéhérazade.

De douces lèvres comme des grenades, un nez de lis un peu courbé, et les membres souples et frais comme un palmier dans une oasis.

Elle était assise sur une haquenée que tenaient, avec des rênes d’or, deux nègres qui trottaient à pied et à côté de la princesse ;

Car elle était vraiment princesse : c’était la reine de Judée, la femme d’Hérode, celle qui a demandé la tête de Jean-Baptiste.

C’est à cause de ce meurtre qu’elle est maudite et condamnée