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tête et m’étourdissait ? Le fait est que j’éprouvais une étrange sensation à la vue de ces oiseaux.

Peut-être étaient-ce des êtres humains qui, par les ruses magiques de la sorcière, se trouvaient maintenant dans cette misérable condition d’oiseaux empaillés.

Ils me jetaient des regards fixes, douloureux, et en même temps pleins d’impatience. Il me semblait parfois qu’ils regardaient aussi la sorcière de travers et avec terreur.

Mais Uraka est accroupie à côté de son fils Lascaro, près de la cheminée. Ils fondent du plomb et coulent des balles.

Ils coulent ces balles fatidiques qui doivent tuer Atta Troll. Comme les flammes pétillent vivement sur le visage de la sorcière !

Elle agite ses lèvres minces, mais sans bruit. Murmure-t-elle la parole infernale qui fait réussir la fonte des balles ?

Par moment elle chuchote et fait signe à son fils ; mais celui-ci continue sa tâche, sérieux et muet comme la tombe.

Oppressé par des frissons de terreur, je vins m’accouder à la fenêtre pour respirer l’air pur, et je regardai au fond de la vallée.

Ce que je vis alors entre minuit et une heure du matin, c’est ce que vous apprendra fidèlement le chapitre suivant.


18

C’était l’époque de la pleine lune, pendant la nuit de la Saint-Jean, alors que la chasse maudite défile dans le Ravin des Esprits.

De la fenêtre du nid de la sorcière d’Uraka, je pus considérer à merveille la cavalcade des spectres pendant qu’elle descendait le ravin.

J’avais une bonne place pour voir le spectacle, et je pus jouir du coup d’œil complet de cette fête bruyante des morts échappés à la tombe.