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LES JEUNES SOUFFRANCES

1816-1821




VISIONS[1]

1

J’ai rêvé autrefois d’indomptables amours, de chevelures bouclées, de myrtes et de résédas, de lèvres exquises et de mots amers, de lieder sombres aux sombres mélodies.

Il y a longtemps que ces rêves ont pâli et se sont évanouis, et que la plus chère de mes visions s’est évanouie elle aussi. Il ne m’est demeuré que les stances affaiblies où j’avais exhalé mes sauvages ardeurs.

Lieder orphelins, je vous ai conservés ! Et maintenant évanouissez-vous aussi ; allez rejoindre la vision qui s’est depuis longtemps évanouie et saluez-la pour moi quand vous l’aurez trouvée : — à l’ombre aérienne j’envoie un souffle aérien.


2

Un rêve, à coup sûr bien étrange, m’a tout ensemble charmé et rempli d’effroi. Mainte image lugubre flotte encore devant mes yeux et fait tressaillir mon cœur.

  1. Ce « cycle de folles visions » pour parler comme Heine lui-même (préface à Poèmes et Légendes, Paris, 1855) contient les premières productions lyriques du poète. Quelques-unes de ces pièces, si nettement marquées au coin du romantisme, furent écrites dès 1816. (Note des éditeurs)