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C’est pourquoi, cher lecteur, ne fronce pas le nez, si la caverne d’Atta Troll ne te rappelle pas les parfums d’Arabie.

Demeure un instant avec moi dans le cercle vaporeux et nauséabond, où notre héros parle à son fils cadet comme du milieu d’une nuée de miasmes :

Enfant, mon enfant, le dernier rejeton de ma force virile, incline ton unique oreille près du museau paternel, et bois mes paroles !

Défie-toi des doctrines de l’espèce humaine ; elles te perdraient l’âme et le corps. Parmi tous les hommes, il n’y a pas un seul brave homme.

Même les Allemands, qui jadis en étaient les meilleurs, même ces fils de Tuiskion, nos cousins de toute antiquité, sont aussi dégénérés.

Ils sont maintenant sans croyance et sans Dieu ; ils prêchent même l’athéisme. Mon enfant, mon enfant, défie-toi principalement de Feuerbach et de Bruno Bauer !

Ne deviens pas athée, un ours impie qui renie son créateur, un ours sans Dieu !

Oui, c’est bien un créateur qui a fait l’univers ! Robespierre, l’incorruptible Maximilien, avait bien raison : — Il y a un Être suprême !

Sur nos têtes, le soleil et la lune, les étoiles aussi (celles avec queue et celles sans queue) sont le reflet de sa toute-puissance.

À nos pieds, la terre et les mers sont l’écho de sa gloire, et chaque créature célèbre ses splendeurs.

Même le tout petit insecte qui réside dans la barbe argentée d’un vieux pèlerin chanteur de cantiques, lui aussi chante la louange de l’Éternel !

Là-haut, sous une tente parsemée d’étoiles, sur un trône d’or, siége majestueusement un ours colossal qui dirige l’univers.