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« Je suis un loup et je hurlerai toujours avec les loups. Oui, comptez sur moi, et aidez-vous vous-mêmes, et le ciel vous aidera. »

Tel fut le discours que je fis sans la moindre préparation. Mon ami Kolb l’a un peu tronqué en l’imprimant dans la Gazette d’Augsbourg.


13

Le soleil se leva près de Paderborn avec une mine très rébarbative. Il fait là en effet un bien ennuyeux métier, d’éclairer cette sotte terre !

À peine a-t-il éclairé un de ses côtés, et se dépêche-t-il de porter sa lumière à l’autre, que le premier s’obscurcit aussitôt.

Sisyphe voit retomber son rocher, le tonneau des Danaïdes ne se remplit jamais, et le soleil éclaire en vain le globe.

Quand les vapeurs du matin se dissipèrent, je vis s’élever sur le bord du chemin l’image du crucifié, éclairée par l’aurore rouge comme du sang.

Ta vue me remplit chaque fois de mélancolie, je ne peux te regarder sans une profonde commisération, toi qui as voulu racheter le monde, sauver les hommes ! Folie divine !

Ils t’ont rudement traité, messieurs du grand conseil de Jérusalem. Qui t’avait conseillé aussi de parler si librement de l’État et de l’Église ?

Pour ton malheur, l’imprimerie n’était pas encore inventée. Tu aurais écrit un livre sur le royaume des cieux ;

Le censeur aurait biffé ce qui a rapport à la terre, et dans sa bienveillance la censure te sauvait de la croix.

Ah ! si seulement tu eusses choisi un autre texte pour ta prédication de la montagne ! Tu avais certes assez de talent et d’esprit pour pouvoir voiler ta pensée, et tu as pu ménager les dévots !

Mais tu as été trop passionné, tu as chassé du temple avec