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Je demeurerai désormais là où tes yeux luisent d’un éclat doux et perspicace ; mais que j’aime encore une fois, est-ce que je l’aurais jamais cru !


62

Vous avez ce soir de la compagnie ; la maison est pleine de lumières ; là haut, derrière la fenêtre éclairée, une ombre passe et repasse.

Tu ne me vois pas ; dans l’ombre, je suis seul, au dessous de toi. Encore moins pourrais‑tu voir ce qu’il y a dans mon cœur sombre.

Mon cœur sombre est épris de toi, il t’aime et il se brise ; il se brise et tressaille et saigne. Mais tu ne vois pas cela.


63

Je voudrais que toutes mes douleurs s’exprimassent en un mot unique ; je le jetterais aux vents joyeux qui, joyeusement, l’emporteraient.

Ils te l’emportent, bien-aimée, ce mot de douleur gonflé ; tu l’entends bruire à toute heure, tu l’entends bruire en tous lieux.

Et à peine le sommeil nocturne aura-t-il fermé tes paupières, que ce mot te poursuivra jusqu’au plus profond de ton rêve.


64

Tu as des diamants et des perles, tu as tout ce qu’on peut désirer ; tu as les plus beaux yeux qui soient… Mon aimée, que veux-tu de plus ?

Sur tes beaux yeux j’ai composé des milliers de chansons immortelles… Mon aimée, que veux-tu de plus ?

Avec tes beaux yeux tu m’as infiniment martyrisé et tu as causé ma perte… Mon aimée, que veux-tu de plus ?


65

Celui qui aime pour la première fois, fût-il malheureux, est un dieu ; mais celui qui aime pour la deuxième fois d’un amour malheureux encore, celui-là est un imbécile.