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Comme des décors de légendes, montagnes, burgs, forêts, prairies défilaient à nos yeux. Et tout cela se reflétait dans les yeux de la belle femme.


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En songe j’ai vu la bien-aimée, pauvre femme inquiète et soucieuse ; son corps épanoui naguère était déjeté et flétri.

Elle portait un enfant sur son bras, en tenait par la main un autre ; sa marche, son regard, son costume révélaient la pauvreté et la détresse.

Elle traversait le marché d’un pas chancelant, lorsque je la rencontrai. Elle me jeta un regard et je lui dis d’un ton calme et triste :

« Viens-t’en dans ma demeure, car tu es pâle et malade ; je veux par mon application au travail te procurer le manger et le boire.

« Je veux prendre soin aussi des enfants qui sont avec toi, mais c’est avant tout sur toi que je veillerai, pauvre enfant.

« Je ne te parlerai jamais de l’amour que j’ai eu pour toi, et lorsque tu ne seras plus, j’irai pleurer sur ton tombeau. »


44

« Cher ami, à quoi te sert-il de toujours rabâcher le vieil air ? Veux-tu couver éternellement les œufs de ton ancien amour ?

« Ah ! c’est toujours le même chose : les poussins brisent leur coquille, ils pépient et vont s’ébattant ; toi, tu les boucles dans ton petit livre. »


45

Ne vous impatientez pas si, de mes douleurs d’autrefois, plus d’un accent résonne encore nettement dans mes nouvelles chansons.