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Nous lui demandions de ses nouvelles avec une tendresse inquiète ; dans la suite, nous en avons fait autant avec plus d’une vieille chatte.

Souvent aussi nous nous asseyions et parlions raisonnablement comme de vieilles gens, et nous nous plaignions : comme tout allait mieux de notre temps !

L’amour, la fidélité, la religion, comme tout cela a disparu de la terre ! Et comme le café est cher, et comme l’argent est rare !…

Nos jeux d’enfants sont terminés. Tout passe… l’argent, le monde, le temps, et la religion, et l’amour, et la fidélité.


41

Mon cœur est oppressé ; je songe avec regret aux jours qui ne sont plus ; le monde était jadis si habitable encore et les gens vivaient si paisibles.

Aujourd’hui, tout est à l’envers. C’est une cohue, une misère ! La-haut le bon dieu est mort ; en bas le diable est mort aussi.

Et tout a un air morose, tout est embrouillé, mou et froid. Sans le peu d’amour qui subsiste, il n’y aurait rien à faire ici.


42

De même que du sombre voile des nuages se dégage la lune éclatante, de même de mon passé sombre sort une image de clarté.

Assis sur le pont du bateau, nous descendions le Rhin avec orgueil. Et des rives verdoyantes étincelaient des feux du soir.

J’étais assis pensif aux pieds d’une dame gracieuse et belle ; sur son doux et pâle visage se jouait l’or rouge du soleil.

Des luths retentissaient, des jeunes gens chantaient. Merveilleuse belle humeur ! Et le ciel devenait plus bleu et mon âme se dilatait.