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« N’a-t-elle jamais laissé paraître qu’elle s’apercevait de ton amour ? N’as-tu jamais pu lire en ses yeux qu’elle partageait ta flamme ?

« N’as-tu jamais pu, par ses yeux, pénétrer jusque dans son âme ? Tu n’es pas positivement un âne, cher ami, dans ces choses-là. »


35

Tous deux s’aimaient, mais aucun ne voulut l’avouer à l’autre ; ils se regardaient comme des ennemis et pensaient mourir d’amour.

Ils se quittèrent à la fin et ne se virent plus que de loin en loin, en rêve ; ils étaient morts depuis longtemps et le savaient à peine eux-mêmes.


36

Et quand je me suis plaint à vous de mes souffrances, vous vous êtes mis à bâiller sans prononcer un mot ; mais quand, de mes souffrances, j’ai fait de jolis vers, vous m’avez comblé de grands éloges.


37

J’appelai le diable, et il vint. Je le considérai avec étonnement ; il n’est pas laid et il ne boîte pas ; c’est un homme aimable et charmant, un homme dans la force de l’âge, obligeant et courtois, avec l’expérience du monde. C’est un diplomate habile et qui parle à ravir sur l’Église et l’État. Il est un peu pâle, mais ce n’est nullement surprenant, car il étudie présentement le sanscrit et Hegel. Son poète favori est toujours La Motte-Fouqué.

Mais il ne veut plus se mêler de critique et laisse ce soin à sa chère grand’mère Hécate. Il m’a loué de mon application dans les études juridiques, dont il s’est lui-même occupé dans sa jeunesse. Il m’assura que mon amitié lui était précieuse, et ce