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musique.

musique ne réduit pas le son au rôle d’un simple instrument, et quelle en fait, au contraire, son propre élément, elle le traite comme but. Celui-ci acquiert alors un mode de disposition, une forme, une configuration artistiques qui deviennent un objet essentiel. Dans ces derniers temps, en particulier, la musique, dans son indépendance de toute pensée claire et déterminée, s’est retirée dans son propre élément. Toutefois, elle a d’autant plus perdu par là de sa puissance sur l’âme tout entière ; car la jouissance qu’elle peut lui procurer ainsi ne se rapporte plus qu’à un seul côté de l’art. L’artiste ne nous intéresse plus qu’au caractère purement musical de la composition ou à l’habileté de l’exécution, ce qui est l’affaire des connaisseurs. Mais l’intérêt général, humain, pour l’art, reste faible.

Maintenant, ce que la poésie perd en objectivité extérieure, en négligeant son élément sensible (autant toutefois que cela est permis à quelque art que ce soit), elle le regagne en objectivité intérieure par la réalité des tableaux que le langage poétique offre à l’imagination. En effet, ces conceptions, ces sentiments, ces pensées, il faut que le poëte les développe de manière à former un monde complet d’événements, d’actions, d’images ou d’expressions de la passion, qu’il crée ainsi des œuvres dans lesquelles la réalité tout entière, aussi bien par ses formes extérieures que par le fond des idées, soit mise devant les yeux de notre esprit. La musique doit renoncer à ce mode d’objectif vite, si elle veut rester indépendante dans son propre