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musique.

damment de l’expression du sentiment, elle suit les lois harmoniques des sons qui s’appuient sur les rapports du nombre et de la quantité. D’un autre côté, non-seulement dans le retour de la mesure et du rhythme, mais aussi dans les modifications qu’elle fait subir aux sons eux-mêmes, elle introduit, de diverses façons, les formes de la régularité et de la symétrie. Et ainsi domine, dans la musique, avec l’expression vive des sentiments les plus profonds de l’âme, la plus rigoureuse observation des lois de l’entendement ; elle réunit les deux extrêmes qui, en même temps, peuvent facilement se séparer. C’est particulièrement dans cette séparation que la musique prend un caractère architectonique, lorsque, renonçant à exprimer le sentiment, elle se met à construire pour elle-même, d’une manière pleine d’imagination, tout un édifice de sons musicalement régulier.

Cependant, malgré ces ressemblances, l’art des sons se meut dans une toute autre sphère que l’architecture. Dans les deux arts, les lois de la quantité et de la mesure fournissent, il est vrai, la base ; mais les matériaux qui se coordonnent selon ces lois sont d’une nature directement opposée. L’architecture s’empare de la masse physique pesante, étendue, immobile, et de ses formes extérieures. La musique, au contraire, emploie le son, cet élément plein d’âme et de vie, qui s’affranchit de l’étendue, qui affecte des différences de qualité comme de quantité, et se précipite dans sa course rapide à travers le temps. Aussi les œuvres des deux arts-appartiennent à deux sphères de l’esprit entièrement diffé-