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introduction.

une forme positive et permanente, la musique anéantit cette forme et ne lui permet pas de revendiquer, en face de la pensée qu’elle exprime et de l’esprit auquel elle s’adresse, une existence indépendante et durable.

Toutefois, si la musique détruit la forme visible, étendue, comme mode de représentation, elle retient quelque chose qui la rattache encore aux arts figuratifs et qui rappelle qu’elle en procède, car elle doit se mouvoir au sein de la matière dont elle est la négation. Seulement, celle-ci, qui était jusqu’ici restée en repos, entre en mouvement. La peinture supprimait une des dimensions de l’espace ; la sculpture réduisait l’étendue à la forme. Ici la destruction de l’étendue doit consister en ceci : un corps déterminé abandonnant son étendue calme, son repos, est entraîné dans le mouvement, et cependant vibre de telle sorte que chaque partie du corps maintenue par la cohésion, tout en se déplaçant, tend à retourner à son état antérieur. Le résultat de cette vibration ondulatoire est le son, l’élément matériel de la musique.

1o Ainsi, avec le son, la musique abandonne l’élément contemplatif de la forme visible ; elle a donc besoin d’un autre organe que la vue, et qui, comme elle, n’appartienne pas aux sens pratiques, mais théorétiques. Or, l’ouïe, à laquelle elle s adresse, est un sens encore plus intellectuel, plus spirituel que la vue. En effet, le regard qui contemple, sans désirs, les œuvres de l’art, laisse, à la vérité, les objets tels qu’ils sont, sans vouloir les détruire et leur porter atteinte ; mais ce qu’il saisit, ce