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peinture.

venu de loin salue Rachel, lui presse la main et lui donne un baiser. Derrière lui y à une certaine distance, se tiennent deux serviteurs, au bord d’une fontaine, occupés à puiser de l’eau pour les troupeaux qui paissent nombreux dans la vallée. Un autre tableau représente Isaac et Rebecca. Rebecca donne à boire aux serviteurs d’Abraham, ce qui la fait reconnaître d’eux. Il y a aussi des scènes tirées de l’Arioste : Médor, par exemple, inscrivant le nom d’Angélique sur le bord d’une fontaine.

Si, dans ces derniers temps, on a tant parlé de la poésie dans la peinture, cela ne peut, comme nous l’avons dit, signifier rien autre chose, si ce n’est concevoir un sujet avec imagination, faire que les sentiments se développent par des actions ; mais non vouloir conserver les sentiments abstraits, et les exprimer comme tels. La poésie elle-même, qui peut exprimer le sentiment dans son caractère intime, se développe dans des images, des tableaux et des descriptions. Si, par exemple, elle voulait, dans l’expression de l’amour, se borner à ces mots : Je t’aime, et les répéter sans cesse, cela pourrait bien plaire à ces Messieurs qui ont beaucoup parlé de la poésie de la poésie, mais ce serait de la prose la plus abstraite. Car l’art, en général, en ce qui concerne le sentiment, consiste à le concevoir et à le saisir par l’imagination ; celle-ci, dans la poésie, traduit la passion en images, et nous plaît par cette manifestation extérieure, que ce soit lyriquement ou dans des événements épiques,