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peinture.

lequel l’œuvre d’art place l’objet vis-à-vis de nos besoins, tandis qu’elle rétablit, en même temps, sa vie propre et indépendante, et le pose en spectacle devant nous.

Mais si, dans ce cercle, l’art rend aux objets auxquels nous ne laissons pas d’ailleurs leur indépendance propre, la liberté qu’ils avaient perdue, il sait aussi immobiliser ceux qui, dans la réalité, n’ont qu’une existence momentanée ; et par-là ils nous force à les contempler pour eux-mêmes. Plus la nature, dans ses organisations et ses mobiles phénomènes, atteint à un haut effet, plus elle ressemble à l’acteur, dont le jeu doit être saisi d’un rapide coup-d’œil. Sous ce rapport, j’ai déjà proclamé, comme un triomphe de l’art sur la réalité, le privilège qu’il a de fixer ce qu’il y a de plus fugitif. Dans la peinture, ce pouvoir de rendre durable ce qui est instantané, s’applique, d’abord, à la vitalité momentanée qui se trouve concentrée dans des situations déterminées ; ensuite, à la magie de l’apparence, dans ses couleurs mobiles et passagères. Une troupe de cavaliers, par exemple, peut changer en un instant dans la manière de se grouper, dans la position de chaque cavalier. Si nous étions là nous-même, nous aurions autre chose à faire qu’à considérer le spectacle anime qu’offrent ces changements. Il nous faudrait monter, descendre, manger, boire, nous reposer, déharnacher les chevaux, les abreuver, leur donner à manger, etc. Ou, si nous étions des spectateurs dans la vie réelle,