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peinture.

la douleur chez de nobles natures, comme dans la Niobé, par exemple, et dans le Laocoon. Ils ne s’abandonnent pas à des cris ou au désespoir ; ils se conservent grands et magnanimes. Mais ce maintien de leur dignité reste quelque chose de vide en soi. Après la douleur et la souffrance il n’y a rien, et à la place de l’harmonie, de la satisfaction, doit apparaître une froide résignation, dans laquelle l’individu, sans se replier sur lui-môme, abandonne ce qu’il devait conserver. Il ne se donne pas même la peine d’écraser ce qui est vil ; aucune fureur, aucun mépris, aucun dégoût ne se trahissent en lui. La hauteur de l’individualité n’est, cependant, qu’une raide immobilité. Il supporte ainsi impassiblement le destin. C’est un état dans lequel la douleur, la noblesse de l’ame n’apparaissent pas conciliées. L’expression de la félicité et de la liberté n’existe, pour la première fois, que dans l’art romantique.

Maintenant, cette harmonie intime, cette satisfaction profonde, est, de sa nature, concrètement spirituel ; car elle réside dans la conscience de l’ame qui, dans une autre, se sait une avec elle-même. Dès-lors, quand le sujet représenté doit être parfait, deux côtés sont nécessaires. L’amour, en effet, exige le dédoublement de la personnalité spirituelle. Il suppose deux personnes indépendantes qui, néanmoins, ont le sentiment de leur unité. À cette unité cependant est toujours inhérent le côté négatif. L’amour, en effet, appartient à la subjectivité. Or, le sujet,