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Et ainsi nous connaîtrons le principe, ou, comme les physiciens l’appellent ordinairement, la loi de la gravité, mais nous n’en connaîtrons pas la cause. Or, pour dire qu’on peut connaître la loi de la gravité, mais qu’on ne peut pas en connaître la cause, il faut, ce nous semble, pouvoir dire aussi en quoi la cause et la loi diffèrent, et non-seulement en quoi elles diffèrent, mais en quoi elles sont en rapport. Car il serait fort étrange que la loi de la gravité et la cause de la gravité ne fussent pas en rapport[1]. Si l’on sait donc nous dire en quoi la cause diffère de la loi, et en quoi elle est en rapport avec elle, et si l’on ne parle pas uniquement pour parler, on saura nous montrer aussi que la cause de la gravité est, et non-seulement qu’elle est, mais ce qu’elle est. Car c’est une erreur de croire, surtout lorsqu’il s’agit des principes, qu’on puisse affirmer l’existence d’un être, sans connaître, ne fût-ce que partiellement, la nature de cet être. Et ainsi, ou l’on sait ce qu’est la cause de la gravité, ou on ne le sait point. Dans les deux cas, cette distinction entre la cause et le principe de la gravité, dans le sens où elle est faite par Newton, n’a pas de fondement.

Mais, nous dira-t-on, la loi de la gravité est cette forme suivant laquelle les corps s’attirent et se meuvent dans l’espace, tandis que la cause serait comme la raison intime, ou l’essence de la force qui agit suivant cette forme. C’est ainsi, en effet, que les physiciens se représentent la nature. La nature, suivant eux, est un ensemble de

  1. D’ailleurs, deux choses ne diffèrent qu’autant qu’elles sont en rapport, et, réciproquement, elles ne sont en rapport qu’autant qu’elles diffèrent, (Voy. plus haut, chap. IV.)