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parfaitement s’obtenir sans celle de la seconde. C’est ainsi qu’on partage et qu’on morcelle Dieu, l’homme, la raison, et qu’on dit, par exemple, que de Dieu on peut connaître ses attributs, mais que son essence dépasse la mesure de notre intelligence ; ou bien, que de l’âme on peut connaître ses facultés et le mode de leur opération, mais qu’ici aussi l’essence nous échappe ; ou bien encore, qu’il y a deux raisons essentiellement distinctes, une raison divine et une raison humaine, d’où découlent aussi deux vérités, une vérité surnaturelle et une vérité naturelle, et d’autres choses semblables ; et cela sans rechercher ni définir ce qu’on doit entendre par essence et par nature des choses, ni si ces attributs, ces modes et ces facultés ne constituent pas cette nature intrinsèque, dont on dit qu’on ne sait rien, et dont on parle cependant, comme on parle de deux rai sons, et de deux intelligences, avec une seule et même raison, et une seule et même intelligence[1]. C’est ce même procédé que suit Newton, car il nous enseigne qu’on peut très bien déduire des phénomènes deux ou trois principes louchant la gravité, bien qu’on ignore ce qu’il appelle raison, ou cause de la gravité. Et il nous enseigne cette doctrine, sans nous dire en même temps ce qu’il faut entendre par principe, par raison et par cause, comme si ces choses étaient évidentes d’elles mêmes, ou parfaitement connues.

  1. Nous avons montré ailleurs, et à plusieurs reprises, tout ce qu’il y a d’inadmissible et d’irrationnel dans cette manière de concevoir la science et les choses. Voy. Introduction à la Philosophie de Hégel, chap. II, § 3, chap. III, § 4, et dans nos Mélanges philosophiques, Philosophie critique, et les deux Introductions à l’Histoire de la Philosophie.