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logique appliquée.

entre l’existence réelle de l’infini et l’idée de l’infini qu’entre ourse animal et ourse constellation. Si, au contraire, en affirmant l’infini, j’affirme une réalité, j’affirme par là, et en même temps l’existence de l’infini, ou de l’être infini, et en ce cas la conclusion est contenue, non virtuellement et implicitement, mais actuellement et explicitement dans la majeure. Car lorsque nous posons comme principe de la démonstration que « l’Infini est l’être qui possède toutes les perfections, » nous admettons, et nous ne pouvons ne pas admettre que l’Infini existe, autrement la proposition n’aurait pas de sens[1].

Par là notre démonstration se trouve complétée ; car nous avons établi que l’entrée dans le domaine de la métaphysique est interdite à la logique formelle, et qu’elle lui

  1. L’argument est celui-ci :

     « L’infini ou l’être parfait doit posséder toutes les perfections.
    » L’existence est une perfection.
    » Donc l’être parfait existe, ou l’existence appartient à l’être parfait. »

    On peut aisément voir que ce syllogisme est fautif, à quelque point de vue qu’on l’examine, même en nous conformant aux règles de la logique formelle. Car c’est un syllogisme de la seconde figure avec deux prémisses affirmatives, tandis qu’une d’elles devrait être négative. Mais lors même qu’on accorderait que dans ce cas particulier les prémisses pourraient être par exception toutes deux affirmatives, on ne saurait tirer d’elles aucune conclusion légitime. En effet, la conclusion serait : « l’être parfait existe, » ou « l’existence appartient à l’être parfait. » Dans le premier cas, c’est le sujet de la conclusion qui serait le grand extrême, tandis que c’est le petit extrême qui devrait l’être ; dans le second cas, ce n’est qu’en intervertissant la position naturelle des termes, et en mettant la pensée et le langage à la torture que la conclusion est obtenue. Car si l’existence est un attribut ou une perfection de Dieu, elle doit occuper la place de l’attribut, et non celle du sujet.

    Les remarques contenues dans cette note et dans ce paragraphe s’appliquent également à toute preuve spéculative de l’existence et des attributs de Dieu, ou, pour mieux dire, à tout argument qui prétend démontrer l’absolu, les idées et l’essence des choses suivant les règles de la logique formelle.