Page:Hegel - La Poétique, t. 1, trad. Bénard, 1855.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
différence de la poésie et de la prose.
I. — De la pensée poétique et de la pensée prosaïque.

I. En ce qui concerne d’abord le fond propre à la conception poétique, nous pouvons, au moins relativement, exclure les objets extérieurs comme tels, les êtres de la nature physique. Le véritable objet de la poésie, ce n’est pas le soleil, les montagnes, les bois, les paysages, ou la forme humaine dans son côté matériel, le sang, les nerfs, les muscles, etc., mais bien les intérêts de l’esprit. En effet, quoiqu’elle admette aussi la partie matérielle et sensible des choses, cependant elle conserve, même sous ce rapport, son caractère spirituel, et elle ne travaille en réalité que pour l’esprit. Or, l’esprit n’a rien de plus voisin de lui que lui-même. Les choses de l’esprit l’intéressent plus que les objets extérieurs dans leur apparence concrète et sensible. Le cercle tout entier de la nature n’entre donc dans le domaine de la poésie qu’autant que l’esprit y trouve pour lui-même une excitation ou les matériaux de son activité ; qu’autant qu’il considère le monde comme le théâtre de l’activité humaine, comme son monde extérieur, qui n’a de valeur essentielle que par son rapport avec le monde intérieur de sa conscience ; loin de pouvoir prétendre à la dignité d’être pour lui-même l’objet exclusif de la poésie. L’objet véritable de la poésie, c’est, au contraire, l’em-