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reur indéfinie. Tous, nous rêvons. Aucun de nous n’est vraiment éveillé, et beaucoup, qui passent pour les sages de ce monde, connaissent encore moins la vérité que ma chienne qui hurle à la lune.

Si ma chienne pouvait parler, je crois qu’elle poserait certaines questions auxquelles aucun philosophe ne saurait répondre. Car je la crois tourmentée par la douleur de l’existence. Naturellement, je ne veux pas dire que l’énigme se présente à elle sous le même aspect qu’à nous, ni qu’elle a pu parvenir à des conclusions abstraites par des procédés philosophiques pareils aux nôtres. Pour elle, le monde extérieur est une continuation d’odeurs. Elle pense, compare, se souvient et raisonne par l’odorat. Par l’odorat aussi, elle juge les caractères. Tous ses jugements sont fondés sur l’odorat. Mais il est à peu près certain qu’elle songe aux choses surtout par le rapport qui existe entre leur odeur et l’expérience de manger ou la crainte d’être mangée. Elle connaît certainement beaucoup plus de choses se rapportant à la terre que nous foulons,