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ses amours, ses espérances, ses souvenirs, ses aspirations. Mais il n’y a rien de beau dans le fait que la vie se repaît d’assassinats continuels, ni que l’affection la plus tendre, l’enthousiasme le plus noble, l’idéalisme le plus pur doivent s’alimenter de chair et de sang ! Toute vie pour vivre doit dévorer la vie. Imaginez-vous aussi divin qu’il vous plaira, — il vous faut pourtant obéir à la loi. Soyez, si vous le préférez, végétarien. Il vous faut pourtant manger des formes de vie capables de sensations et de désirs. Stérilisez votre nourriture ; la digestion s’arrête. Vous ne pouvez même pas boire sans avaler de la vie. Nous sommes des cannibales : le terme a beau vous déplaire. Toute vie est Une : et que nous mangions la chair d’une plante, d’un poisson, d’un reptile, d’un oiseau, d’un mammifère ou d’un homme, le fait reste le même. Toute créature est dévorée. Et non pas une fois, ni cent fois, ni une myriade de fois. Considérez le sol que nous foulons, la terre d’où nous sortons. Songez aux millions de disparus qui en sont surgis et qui s’y sont effrités de nouveau pour