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par son père pour la durée de sept existences[1], ou même d’être tuée par lui par amour pour vous ?… Voyons, vous lui permettrez bien de passer la nuit ici ?…

Shinzaburo pâlit de joie. Et il répondit d’une voix que l’émotion faisait trembler :

— Restez je vous en prie. Mais ne parlez pas trop fort, car il y a un ninsomi[2] très ennuyeux qui demeure tout près d’ici, — un homme qui sait lire l’avenir sur les traits du visage. Il s’appelle Hakuodo Yusai. Il est assez curieux de son naturel et mieux vaut qu’il ignore votre visite.

Alors les deux femmes passèrent la nuit dans la maison du jeune Samouraï, et ne retournèrent chez elles qu’un peu avant l’aube. Et par la suite, elles vinrent chaque nuit,

  1. « Pour la durée de sept existences », c’est-à-dire pour la durée de sept vies successives. Dans le drame et le roman japonais, il n’est pas rare de représenter un père qui renie son enfant « pour la durée de sept existences ». Pareil reniement est appelé schichi-shô madé no-mandô, ce qui signifie que le fils ou la fille désobéissants continueront à ressentir les effets du courroux paternel pendant six vies successives.
  2. Cette profession n’est pas encore éteinte. Le ninsomi se sert d’une loupe ou parfois d’un miroir grossissant, appelé Tengankyô ou ninsomégané.