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et les plus souillées. La foule de ceux qui ne savent pas et de ceux qui savent à moitié, envahissant les lettres, donne à la prose d’étranges habitudes de négligence. Termes plats, abréviations absurdes, exclamations grossières, triomphent. Il arrive qu’un étranger prononce devant nous, sans malice et de bonne foi, une de ces expressions vulgaires que nous tolérons entre Français, parce que nous leur prêtons je ne sais quelle saveur bête de paradoxe. En expliquant pourquoi les autres n’ont pas le droit d’employer des mots que nous employons nous-mêmes, nous éprouvons plus que de l’embarras, du malaise ; et nous avons le sentiment d’une déchéance. Cette délicate physionomie, si pure dans son élégance ; cette physionomie charmante, qui fait ressembler notre langue à une personne dont la noblesse intime se traduirait par la distinction extérieure ; cette physionomie harmonieuse dont un seul trait changé peut altérer le caractère, gardons-nous de la défigurer comme à plaisir ! Si elle prenait une expression vulgaire, on se détournerait d’elle, et on cesserait de la chérir.

Pour notre compte, nous pousserions si