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relevait aussitôt, plus puissant que dix géants de son espèce. Heureusement pour le monde, il était d’une nature indolente et apathique, et aimait mieux le repos que l’exercice : car, s’il s’était donné du mouvement comme les Pygmées et qu’il eût touché la terre aussi souvent que cela leur arrivait, il aurait depuis longtemps été à même, s’il l’eût voulu, de faire écrouler le firmament sur la tête des humains. Mais ces êtres de grandeur excessive, inertes de caractère, ressemblaient à des montagnes, non seulement pour la taille, mais encore pour leur tendance à l’immobilité.

Tout autre mortel que celui à la rencontre de qui Antée s’était élancé aurait été épouvanté jusqu’au fond de l’âme par l’aspect féroce et la voix terrible de ce dernier. Mais l’étranger ne parut pas le moins du monde s’en préoccuper. Il leva négligemment sa massue et la balança dans sa main, en mesurant Antée du coin de l’œil, des pieds à la tête, non pas comme s’il eût été surpris de sa haute stature, mais simplement comme s’il avait déjà vu un grand nombre de géants, et celui-ci était, certes, le plus grand qui se fût jamais trouvé sur son chemin. Mais l’étranger ne s’épouvantait pas plus que si Antée n’eût pas été plus gros que les Pygmées, qui assistaient de loin à cette rencontre, écoutant de toutes leurs oreilles et ouvrant de grands yeux.

« Qui es-tu ? riposta Antée, enflant encore sa voix.