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taient en mouvement sous l’influence de la respiration naturelle de ses poumons. Le soleil dardait-il de ses rayons trop ardents, il s’asseyait à terre, et l’ombre de son corps s’étendait sur tout le royaume, d’une frontière à l’autre. Quant à leurs affaires intérieures en général, le géant était assez sage pour les laisser se gouverner en entière liberté. Exemple que devraient, après tout, suivre les grands à l’égard des petits.

En un mot, comme je viens de vous le dire, Antée aimait les Pygmées, et les Pygmées le lui rendaient bien. La durée de la vie du géant correspondait à l’immensité de son corps, comme celle des Pygmées se mesurait à leur petitesse. Une cordialité mutuelle n’avait cessé d’exister entre eux pendant des siècles et des générations innombrables. Le souvenir s’en conservait dans les annales des Pygmées et dans leurs traditions les plus anciennes. De mémoire de Pygmée, si l’on eût consulté le plus vénérable et le plus barbu, jamais le plus ancien de ses grands parents n’avait entendu dire que leur gigantesque ami se fût refroidi dans ses sentiments d’affection. Un jour, on ne peut passer sous silence un fait si considérable, qui demeura constaté sur un obélisque de trois pieds de haut, élevé sur la place même, un jour, Antée, en s’asseyant, s’étala sur cinq mille Pygmées réunis pour une revue militaire. C’était un de ces malheureux accidents où il