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Maintenant il y a de petits esprits, des soi-disant historiens de Thésée et d’Ariane, qui ont l’effronterie de raconter que cette vertueuse princesse s’enfuit, à la faveur de la nuit, avec celui dont elle avait sauvé les jours. Ils prétendent aussi que Thésée abandonna avec ingratitude Ariane sur une île déserte, où le vaisseau avait touché en retournant à Athènes. Ce noble jeune homme eût préféré cent fois la mort plutôt que de causer la moindre souffrance à la plus faible créature. Si notre héros eût entendu ces faussetés, il aurait traité les calomniateurs comme il avait traité le Minotaure.

Voici ce que répondit Ariane en lui serrant la main, puis en s’écartant d’un ou deux pas en arrière :

« Non, Thésée, je ne peux suivre vos pas ! Mon père est vieux, il n’a personne autre que moi pour l’aimer. Quelque dur que vous le croyiez, ce cœur se briserait en me perdant. D’abord le roi Minos se laissera aller à la colère ; mais il pardonnera bientôt à sa fille unique, et, avec le temps, il se réjouira, j’en suis persuadée, de ne plus sacrifier sept jeunes garçons et sept jeunes filles d’Athènes à la voracité du Minotaure. J’ai sauvé votre vie, Thésée, autant pour l’amour de mon père que pour vous-même. Adieu ! Que les bénédictions des dieux descendent sur vous ! »

Elle parla avec tant de sincérité, de noblesse, et avec une modestie si convenable à son âge, que