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sont fait entendre, que Proserpine s’élance sur le sein de sa mère.

Ne me demandez pas de vous décrire leurs transports mutuels. Je renoncerai à cette tâche impossible. Une séparation douloureuse et prolongée leur avait fait répandre à toutes deux bien des larmes amères, et maintenant elles en versaient de plus abondantes et de plus douces ; mais c’était parce que leur joie ne trouvait pas d’expression plus éloquente.

Leur émotion une fois calmée, Cérès regarda Proserpine avec anxiété.

« Mon enfant, as-tu pris quelque aliment dans le palais du roi Pluton ?

— Mère chérie, je vais vous dire toute la vérité. Ce matin encore, je n’avais rien porté à mes lèvres, mais aujourd’hui on m’a apporté une grenade complètement desséchée. Il n’en restait plus que l’écorce et les graines. Comme depuis si longtemps je n’avais pas vu un seul fruit et que je mourais d’épuisement, j’ai cédé à la tentation : j’ai mordu dedans. Au moment où j’y goûtais, le roi Pluton et Vif-Argent entraient dans l’appartement où je me tenais. Je n’avais encore rien avalé, chère mère ; j’espère que je n’ai pas mal fait, au moins ; mais, j’ai peur de l’avouer, six graines de la grenade étaient restées dans ma bouche.

— Ah ! fille infortunée ! et moi malheureuse