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qu’il arrive de goûter une seule fois le moindre aliment, jamais plus on ne revoit ses amis. Si le roi Pluton avait eu assez de finesse pour offrir à l’objet de sa tendre sollicitude quelque fruit ou du pain et du lait (simple nourriture, la seule que l’enfant eût connue jusque-là), il est probable qu’elle se fût laissé tenter. Mais il s’en remit à son cuisinier pour cette affaire ; et les cuisiniers s’appliquent tous ordinairement à préparer des pâtisseries indigestes, des viandes fortement assaisonnées, des mets épicés, toutes choses que la mère de Proserpine ne lui avait jamais données, et dont l’odeur lui enlevait complètement l’appétit, au lieu de l’exciter.

Nous allons maintenant quitter les domaines du roi Pluton, et voir ce qu’est devenue cette bonne mère Cérès, depuis l’enlèvement de sa fille. Nous l’avons un instant entrevue, à moitié cachée au milieu des plaines ondulantes de blé, au moment où les quatre coursiers noirs emportaient avec rapidité le cher objet de son amour. Vous vous souvenez aussi du cri perçant poussé par Proserpine, quand le char lancé à toute vitesse se trouvait hors de vue.

De tous les cris de l’enfant, ce dernier fut le seul dont l’éclat parvint aux oreilles de la mère vigilante. Elle avait pris le bruit du rouet de l’attelage pour le grondement du tonnerre, et elle pensait déjà que l’orage allait amener une pluie favorable aux grains.