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Quelle fortune pour un grand conquérant, s’il se procurait un boisseau de dents de dragon pour semer des guerriers !

« Cadmus ! dit la même voix qu’il avait entendue auparavant, jette une pierre au milieu de ces hommes armés. »

Cadmus saisit une grosse pierre et, l’ayant lancée au centre de cette phalange, vit son projectile heurter la cuirasse d’un guerrier gigantesque et d’une mine féroce. En sentant cette commotion, le guerrier supposa qu’elle résultait du choc d’un ennemi ; et levant son arme, il abattit le casque et la tête d’un de ses voisins, qu’il étendit à terre. En un instant, ceux qui se trouvaient près du guerrier tombé commencèrent à se frapper les uns les autres d’estoc et de taille, et à se transpercer à coups de lance. La confusion fut à son comble. Chaque homme plongeait son glaive dans le cœur d’un de ses frères et succombait lui-même sous le fer d’un autre, avant d’avoir eu le temps de proclamer sa propre victoire. Les trompettes ne cessaient d’animer le carnage par des accents de plus en plus fougueux ; chaque soldat poussait un cri de guerre que la mort étouffait sur ses lèvres. Il est impossible de s’imaginer une rage plus forcenée. Mais, après tout, ce combat n’était ni plus insensé ni moins atroce que des milliers de batailles livrées auparavant, dans lesquelles les hommes égorgent