Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, première partie, trad. Rabillon, 1858.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
39

essayer de trancher la tête ; car il eût vainement frappé les deux autres du tranchant le plus acéré : ses armes se seraient usées sans leur faire aucun mal.

— « De la prudence, reprit la voix qui lui avait déjà parlé. L’une des Gorgones s’agite et va se retourner tout à l’heure. C’est Méduse. Ne la regarde pas ! tu serais pétrifié à l’instant même ! Fixe ton regard sur ton bouclier, où son corps et son visage se reflètent comme dans un miroir. »

Persée comprit alors pourquoi Vif Argent lui avait si vivement recommandé de le polir : il pouvait y regarder en toute sécurité l’image de la Gorgone qu’il avait à combattre. Elle était là, cette terrible apparition, éclairée par la lune, et déployant sa monstrueuse horreur. Les serpents, que leur nature venimeuse empêchait de dormir tous ensemble, se dressaient entrelacés sur son front. C’était la face la plus repoussante et la plus hideuse qu’on eût jamais imaginée, et pourtant il y avait dans son aspect une sorte de beauté sauvage, effrayante à contempler. La Gorgone avait les yeux fermés ; elle était toujours profondément endormie ; mais une vive inquiétude se peignait sur ses traits, comme si un mauvais rêve eût troublé son sommeil. Ses dents formidables étaient serrées violemment, et ses griffes d’airain labouraient le sable d’un mouvement convulsif.