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caracolant avec une grâce dont la seule pensée me ravit, secouant ses longues ailes avec la prestesse d’un linot ; prenant ses élans, tantôt sur le sol, tantôt dans les airs. Je ne saurais vraiment affirmer s’il volait ou s’il galopait. Parfois un être ailé a la fantaisie de courir, seulement par récréation ; ainsi faisait Pégase, bien qu’il lui répugnât un peu de poser ses pieds si près de la terre. Cependant le jeune homme, sans quitter la main de l’enfant, regardait à travers le buisson et pensait qu’il n’avait jamais vu de formes si parfaites, jamais observé dans un cheval un œil aussi vif et aussi plein d’intelligence. C’était presque un crime de songer à lui imposer une bride et à monter sur son dos.

Une ou deux fois Pégase s’arrêta, aspira fortement l’air, dressa les oreilles en tournant la tête de tous côtés, comme s’il eût soupçonné quelque piège ou quelque malheur. Cependant, ne voyant et n’entendant rien, il recommençait bientôt ses folies.

À la fin, non qu’il fût fatigué, mais seulement porté pour un instant à la mollesse et à l’oisiveté, il replia ses ailes et s’étendit sur la verdure. Habitué à vivre dans les régions éthérées, il ne put demeurer en repos. Il se roula plusieurs fois, en levant en l’air ses quatre jambes fines et nerveuses. Qu’il était beau à contempler, ce cheval dont le pareil n’avait jamais été créé, mais qui, ne souffrant pas de son isolement, avait déjà vécu plusieurs centaines d’an-