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sin, afin que le narrateur pût se rafraîchir dans les intervalles de ses récits. Elles prenaient plaisir à lui servir ce simple repas ; de temps en temps, l’une d’elles portait à ses lèvres de pourpre une grappe parfumée, de peur qu’il n’eût honte de manger tout seul.

Le hardi voyageur poursuivit, en leur disant qu’il avait chassé un cerf d’une légèreté extraordinaire, pendant toute une année, sans s’arrêter un instant ; qu’enfin, l’ayant saisi par les cornes, il avait pu le prendre vivant. Plus tard, après une série de combats livrés à un peuple d’une race très-ancienne, moitié hommes et moitié chevaux, il avait réussi à l’exterminer tout entière ; mû, en cette circonstance, par le sentiment d’un devoir à remplir, il avait voulu délivrer le monde de cette ignoble race ; il finit par se vanter avec orgueil d’avoir balayé une écurie.

« Est-ce là une action bien glorieuse ? interrompit une des jeunes filles en laissant percer un sourire. Le moindre paysan en fait autant chaque jour dans nos campagnes.

— S’il se fût agi d’un travail ordinaire, répliqua-t-il, je n’en aurais pas parlé. Mais c’était une tâche si gigantesque, que j’y aurais passé mon existence, sans l’idée qui me fut inspirée de détourner le cours d’une rivière et de l’obliger à traverser l’écurie, ce qui termina l’affaire en un clin d’œil. »